PENSEES EN CHEMIN - MA FRANCE DES ARDENNES AU PAYS BASQUE
Extrait
Extrait de l'introduction
Toute ma vie, j'ai aimé marcher. Petit garçon, j'ai passé les cinq premières années de ma vie dans un village du sud de la Touraine, Le Petit-Pressigny, où les circonstances familiales et celles de la guerre m'avaient fait naître en septembre 1944. La villageoise qui s'occupa de moi, mère de quatre enfants dont trois grandes filles, avait perdu deux époux, l'un à chacune des deux guerres mondiales. C'était une famille paysanne pauvre dans laquelle la marche à pied restait le moyen presque unique de se déplacer lors des visites à la famille ou aux amis des villages environnants dans un rayon de près de dix kilomètres. Dès mes trois à quatre ans j'accompagnais le mouvement, parfois pomponné et endimanché, au moins au départ, lorsque la troupe se rendait à une noce. Certes, les épaules secourables des adultes étaient là pour pallier la fatigue de mon jeune âge, mais je me rappelle ne pas en avoir abusé. Après que j'ai rejoint mes parents à Paris, ma mère m'inscrivit bien vite aux organisations scoutes de la paroisse, les louveteaux puis les scouts de France. Je m'y épanouis vraiment, adorant les camps en pleine nature, les jeux de nuit et les longues marches. Toutes mes longues vacances scolaires de l'époque
Plus tard, mes goûts d'adolescent puis de très jeune homme m'ont sans cesse amené à me replonger chaque fois que possible dans ce monde de nature d'où je venais et loin duquel je ne me suis jamais senti vraiment à l'aise. Sac au dos, j'ai ainsi commencé, dès mes quinze ans, à profiter de mes vacances pour partir, en auto-stop et à pied, d'une auberge de jeunesse à l'autre, à travers la France, l'Allemagne et les pays voisins. Cette passion des espaces et paysages non urbanisés me conduisit ensuite à consacrer plusieurs semaines chaque année, au printemps et en été, à la randonnée en moyenne et haute montagnes, d'abord avec un groupe d'amis puis en couple. C'étaient alors des parenthèses enchantées à mes longues études puis à une vie professionnelle et publique de plus en plus trépidante. En totale autonomie, campant près des torrents et des lacs de montagne, progressivement le plus à l'écart possible des itinéraires balisés, j'aspirais, tel un cétacé avant sa plongée, l'air pur, le seul que je respire volontiers, nécessaire à ma survie dans la longue immersion qui m'attendait en ville dans la «vie ordinaire». Le souvenir des randonnées passées et la préparation des suivantes contribuaient aussi à me donner les ressources me permettant de supporter les longs mois aux horizons limités par les murs de l'université et des laboratoires, dans les atmosphères aseptisées et normalisées des hôtels du monde entier dans lesquels je descendais à l'occasion des congrès, d'échapper à la ligne des rues et à l'enfilade des immeubles de la cité.